La ministre de la défense, Florence Parly, le 13 juin à Pau, lors d’un discours au 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales. IROZ GAIZKA / AFP
« La scène se déroule à la fin février 2019. A 13h13 zoulou, le soleil brûle le désert lorsque les hélicoptères français décollent. C’est à Bou djebeha, au Nord Mali, loin de Tombouctou. Moins d’une heure plus tard, alors que les hélicoptères atteignent enfin le pick-up qu’ils traquent, celui-ci en rejoint un autre, puis un troisième : ce ne sont pas des seconds couteaux, c’est le convoi d’une cible majeure qui est en train de s’assembler. Le temps presse, car le carburant va bientôt manquer aux hélicoptères; les drones, en limite d’autonomie, devront rentrer, eux aussi.
S’engage une course-poursuite épique à plus de 120km/heure dans les dunes. Après des tirs de sommation les deux premiers pick-up se rendent ; les commandos se posent et capturent les terroristes. Faute de carburant, les hélicoptères rentrent ravitailler. Il en faut plus pour arrêter les forces spéciales. Les commandos enfourchent alors l’un des pick-ups capturés à l’ennemi et foncent à la poursuite du troisième véhicule. Ils le traquent assez longtemps pour donner ses coordonnées à un autre groupe commando qui finalement prend le relais et l’intercepte alors qu’il tente de se fondre dans un campement familial. Les terroristes sortent du véhicule, ouvrent le feu. Ils sont neutralisés. Tous. Parmi eux, il y avait leur chef, Yahia Abou-El-Hammam : l’Emir de Tombouctou.
Cette prise majeure concluait une longue traque émaillée d’opérations coup de poing, de recueil de renseignement, de filatures, et de bien d’autres choses que je tairai ici.
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Cet engagement, je souhaite qu’il ne soit pas seulement sur le terrain, dans les sables lointains, mais aussi dans nos cœurs. Qu’on le veuille ou non, et c’est pour cela que le terrorisme choque tellement nos sociétés habituées à la quiétude, ce ne sera jamais une guerre à distance. Face à nos vulnérabilités, la ténacité, la résilience, la force morale comptent tout autant que les blindés et les hélicoptères.
Nous en aurons besoin, car c’est un long combat, et que nous devons le mener sans dévier de nos valeurs. Alors projetons ces vertus : elles seront meilleures conseillères que la peur. Elles ont d’ailleurs, à mes yeux, toute leur place dans le Service National Universel que pilotent Gabriel Attal et Geneviève Darrieussecq.
L’engagement doit être dans nos discours aussi. Il ne faut pas laisser le champ libre à la propagande de Daech ou d’Al Qaïda. Nous devrons mettre nos différentes ressources à la disposition d’un contre-discours, qui dise la vérité.
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Mais poussons encore au-delà. Si l’on ne stabilise pas le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, l’Europe aura durablement sur sa tête non pas une, mais deux épées de Damoclès : celle du terrorisme et des prises d’otages, et celle des migrations illégales, dont beaucoup transitent par ces territoires. Il faut accompagner les forces armées sahéliennes après les avoir formées, y compris lorsqu’elles vont au combat, et pas seulement dans les états-majors. Ce n’est pas un sport de masse, j’en conviens. Mais si les Européens, qui sont directement concernés, ne le font pas, qui, alors, le fera ? Dès lors, pourquoi ne pas faire appel aux forces spéciales des pays européens ? Elles en sont parfaitement capables dès lors qu’elles le veulent. C’est ce que nous avons proposé à plusieurs de nos partenaires, en lien avec les autorités maliennes. Les retours sont encourageants et j’ai bon espoir que ce projet pourra prospérer. Ce serait une belle démonstration de comment l’Europe répond à la toute première préoccupation de sécurité de ses citoyens.
Alors, comme vous le voyez, il y a donc des motifs d’espérer. Nous ne manquons pas de détermination. Notre société est solide ; elle a enduré les attentats ; elle soutient nos opérations, même quand vient le moment terrible où il faut saluer les enfants de la nation tombés pour notre liberté. Mais rien ne me donne plus de foi dans notre résilience que de vous voir, vous les principaux responsables du ministère des Armées, et vous, hommes et femmes des forces spéciales. La nation vous observe avec les mots de Racine, « mais fidèles, mais fiers, et même un peu farouches », et elle a raison de placer toute sa confiance en vous, car nul ne pourrait la mériter davantage.
Vive la République, vive la France ! »
Source: Cordialement, Le centre presse du ministère des Armées.