La France rend hommage jeudi à l’un des derniers Compagnons de la Libération, l’ordre de héros de la résistance le plus distingué décoré par le général Charles de Gaulle. Daniel Cordier, qui a été secrétaire de l’emblématique chef de la résistance française Jean Moulin pendant la Seconde Guerre mondiale, est décédé la semaine dernière à l’âge de 100 ans.
Né à Bordeaux en 1920, Cordier s’investit très tôt dans la politique avec le mouvement d’extrême droite Action Française. Admirateur de l’ultra-nationaliste français Charles Maurras, le jeune Cordier était plongé dans des idées monarchistes, nationalistes et antisémites. En juin 1940, lorsque l’armée française fut balayée par la Wehrmacht nazie, Cordier n’avait pas encore 20 ans. Il fut outré lorsque le maréchal Philippe Pétain appela à l’armistice avec l’Allemagne et l’adolescent décida de poursuivre le combat.
«J’ai couru dans ma chambre parce que je ne voulais pas que mes parents me voient pleurer. Je me suis jeté sur mon lit et j’ai sangloté parce que, pour moi, la France ne pouvait pas être battue», a-t-il déclaré à FRANCE 24 en décembre. Entretien de 2017. «Après ces larmes, j’ai décidé de faire quelque chose, mais je ne savais pas encore quoi. Avec une quinzaine de volontaires, il est parti de Bayonne, sur la côte atlantique, dans un premier temps pour l’Afrique du Nord. Mais le navire que Cordier et ses camarades ont embarqué les emmènerait finalement en Angleterre.
Cordier rejoint les premières Forces françaises libres, organisées par De Gaulle depuis son exil en Grande-Bretagne. «Ce que vous devez comprendre, c’est que je suis l’enfant d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale. Au fond, ce que nous voulions, c’était faire ce que nos parents avaient fait, ni plus ni moins», expliquait-il.
‘Dévotion et courage’
Après une formation dans un bataillon d’infanterie, Cordier est affecté au Bureau central du renseignement et des opérations (BCRA), la branche des services secrets des Forces françaises libres. En juillet 1942, il est parachuté près de Montluçon dans le centre de la France. Quelques jours plus tard, il rencontra Jean Moulin, du nom de code «Rex», qui représentait De Gaulle et était un délégué du Comité national français, le gouvernement français en exil. Moulin a engagé Cordier pour aider à établir son bureau à Lyon.
Après l’arrestation en juin 1943 du «patron» – comme Cordier appelait Moulin – à Caluire près de Lyon, Cordier poursuivit sa mission. Poursuivi par la Gestapo, Cordier s’enfuit par les Pyrénées. Interné en Espagne, il retournera en Angleterre à la fin de mai 1944. Là, il fut nommé pour diriger la section chargée de larguer les agents de la BCRA.
Cordier a reçu la médaille de la Croix de la Libération le 20 novembre 1944 pour avoir fait preuve de «qualités de dévouement et de courage sans égal». On lui attribuait d’avoir travaillé «sans relâche tout au long de sa longue mission et ne cessant de se distinguer par son énergie tenace, son altruisme, son esprit de sacrifice et son sang-froid».
Dans la vieillesse de Cordier, cette distinction avait une signification particulière pour l’ancien combattant de la Résistance. C’était la seule médaille qu’il portait chaque année le 18 juin pour commémorer l’appel de de Gaulle de 1940 à ses compatriotes pour résister à l’occupation allemande, diffusée par la radio de Londres. “La seule chose qui était une récompense absolue était d’être un Compagnon de la Libération”, aimait à dire Cordier.
‘La liberté est le soleil de la vie’
Cordier a renoncé à ses premières idées d’extrême droite – l’écriture plus tard de son choc et de sa “honte insupportable” pendant la guerre en voyant un vieil homme et un enfant à Paris ornés des étoiles jaunes qui les qualifiaient de juifs – et est devenu un humaniste socialiste.
Après la guerre, Cordier consacre sa vie à sa peinture et se lance dans la collection d’art contemporain. Au début des années 1980, il devient historien pour défendre la mémoire de Jean Moulin. En 2009, il publie un récit autobiographique intitulé “Alias Caracalla” qu’il considère comme un hommage “à tous les morts”.
Régulièrement appelé à participer à des conférences ou à rencontrer des écoliers, Cordier ne se considère toujours pas comme un modèle. “J’ai fait ce en quoi je croyais. J’ai combattu pendant toute la guerre de quatre ans et demi. J’ai fait tout ce qu’on me demandait”, dit-il avec humilité.
Soixante-quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Cordier dirait que «la liberté est le soleil de la vie». “Nous devons rester libres pendant toute notre existence. Personne ne peut se permettre de changer nos vies, d’imposer une autre vision”, a-t-il déclaré. «Nous nous sommes battus pour la liberté pendant près de cinq ans. S’il fallait recommencer, je le referais immédiatement. C’est le seul aspect de mon existence que je suis sûr que je referais tout de suite.
Un “ compagnon de la libération ” restant
Le président français Emmanuel Macron a rendu hommage peu de temps après la nouvelle de la mort de Cordier, annonçant des plans pour la cérémonie de jeudi en hommage. “Daniel Cordier, membre de la Résistance, secrétaire de Jean Moulin, est décédé. Quand la France était en péril, lui et ses compagnons ont pris tous les risques pour que la France reste la France. Nous leur devons notre liberté et notre honneur. Nous paierons leur un hommage national », a écrit Macron sur Twitter.
Après le décès de Pierre Simonet le 5 novembre et la mort de Cordier le 20 novembre, il ne reste plus qu’un compagnon vivant de la Libération – et Hubert Germain a également 100 ans. Quelque 1038 personnes, dont six femmes, ont obtenu le titre, de même que 18 unités militaires et les cinq communes françaises de Nantes, Grenoble, Paris, l’île de Sein et Vassieux-en-Vercors, cette dernière étant le site d’un soulèvement de la Résistance brutalement réprimé. par les nazis.
Il a été décidé que le dernier des «compagnons» à mourir serait inhumé au Mont Valérien, principal lieu d’exécution des résistants et des otages par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Le site, juste à l’ouest de Paris, abrite le Mémorial de la France combattante, inauguré par De Gaulle en 1960.
Source: france24.com