La bataille des Pyramides a lieu le 3 thermidor an VI () entre l’Armée française d’Orient commandée par Bonaparte et les forces mamelouks commandées par Mourad Bey, lors de la campagne d’Égypte.
Dans un souci de propagande, Bonaparte décide d’appeler cette victoire « bataille des Pyramides », nom plus glorieux que « bataille du Caire » ou « bataille d’Embabech » (où se trouvait l’emplacement du camp de Mourad Bey et où eurent lieu effectivement les combats), donnant ainsi à croire qu’elle s’était déroulée au pied même des célèbres monuments. C’est d’ailleurs ainsi que l’imaginaire collectif la représente souvent, notamment dans des tableaux. En réalité, les pyramides devaient tout au plus être vaguement visibles à l’horizon.
Préambule
Le , Bonaparte arrive à Alexandrie puis prend sa marche vers Le Caire en passant par le désert. Le 13 juillet, un premier combat à Chebreiss se solde par une rapide défaite des mamelouks qui perdent 300 cavaliers. Ceux-ci se retirent alors vers Le Caire.
On informe Bonaparte que Mourad Bey l’y attend avec toutes ses forces réunies. Les mamelouks ont en effet décidé de livrer une bataille décisive sous les murs de leur capitale. Leur armée, rassemblée sur la rive gauche du Nil autour du village d’Embabeh près du plateau de Gizeh, est adossée au fleuve, couvrant ainsi Le Caire situé sur la rive droite. Mourad Bey est à la tête de plus de 10 000 cavaliers mamelouks, qui s’étendent dans la plaine entre le fleuve et les pyramides. Ceux-ci sont accompagnés de cavaliers arabes et 30 000 fellahs et janissaires disposés dans le village ou de rapides travaux de fortification ont été réalisés. Cinquante pièces d’artilleries sont placées dans un camp retranché à Embabech.
L’approche
L’armée française, qui a commencé sa marche de nuit, arrive au lever du jour face à l’ennemi. C’est alors que l’on prête à Bonaparte cette courte harangue : « Soldats ! Vous êtes venus dans ces contrées pour les arracher à la barbarie, porter la civilisation dans l’Orient, et soustraire cette belle partie du monde au joug de l’Angleterre. Nous allons combattre. Songez que du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent ». Comme à Chebreiss, l’armée française est composée de cinq divisions : Desaix et Reynier commandaient la droite, formée de deux divisions, Menou et Bon la gauche, également composée de deux divisions. Bonaparte est au centre avec la division Kléber commandée par Dugua en l’absence de ce général blessé à Alexandrie.
Bonaparte utilise alors la stratégie la plus adaptée pour contrer les charges des cavaliers mamelouks : le carré d’infanterie.
Bonaparte fait mettre l’armée en carrés de 2 000 hommes décrits ainsi par Thiers.
« Chaque division formait un carré ; chaque carré était sur six rangs.
Derrière étaient les compagnies de grenadiers en peloton, prêtes à renforcer les points d’attaque.
L’artillerie était aux angles ; les bagages et les généraux au centre.
Ces carrés étaient mouvants.
Quand ils étaient en marche, deux côtés marchaient sur le flanc.
Quand ils étaient chargés, ils devaient s’arrêter pour faire front sur toutes les faces.
Puis, quand ils voulaient enlever une position, les premiers rangs devaient se détacher pour former des colonnes d’attaque, et les autres devaient rester en arrière formant toujours le carré, mais sur trois hommes de profondeur seulement, et prêts à recueillir les colonnes d’attaque. »
Forces en présence
Ce qui suit est l’ordre de bataille des forces militaires en présence lors de la bataille des Pyramides, qui eut lieu le 3 thermidor an VI (21 juillet 1798).
Forces françaises
Commandement général
- Général en chef : Napoléon Bonaparte commandant 21 000 hommes
- Chef d’état-major : Général Berthier
- Sous-chef d’état-major : Pierre Joseph Bérardier Grézieu
- Commandant la cavalerie : Thomas Alexandre Dumas
- Commandant l’artillerie : Elzéar-Auguste Cousin de Dommartin
- Commandant le génie : Louis Marie Maximilien de Caffarelli du Falga
- Directeur des équipages et des ponts : Antoine François Andréossy
1re Division
La 1re division est commandée par le Général Charles François Joseph Dugua en remplacement du général Jean-Baptiste Kléber)
La 1re division forme un carré au centre du dispositif Français.
- Chef d’état-major : Général Laugier
- 1re Brigade – Général Jean Antoine Verdier
- 2e demi-brigade légère (3 bataillons) – chef de brigade Paul Desnoyers
- 2e Brigade – Général Jean Lannes
- 25e demi-brigade (3 bataillons) – Général Simon Lefebvre
- 75e demi-brigade (3 bataillons) – chef de brigade Antoine Maugras
- Brigade de cavalerie Joachim Murat
- 14e régiment de dragons (3 escadrons) – chef de brigade Léopold Duvivier
- 15e régiment de dragons (2 escadrons) – Général Barthélemi
2e Division
La 2e Division, dite de réserve est commandée par le Général Louis André Bon
La 2e division forme la gauche du dispositif Français et est appuyé sur le Nil, proche du village d’Embabeh.
- Chef d’état-major : Général François Valentin
- 1re Brigade – Général Auguste Frédéric Louis Viesse Marmont
- 4e demi-brigade légère (2 bataillons) – Général Jacques Zacharie Destaing
- 2e Brigade – Général Antoine-Guillaume Rampon
- 18e demi-brigade (3 bataillons) – Général Jean Urbain Fugière
- 32e demi-brigade (3 bataillons) – Général Dupuis
3e Division
La 3e Division est commandée par le Général Jean Louis Ebénézer Reynier
La 3e division forme un carré au centre du dispositif Français et est appuyé sur le Nil.
- Chef d’état-major : Général Julien Joseph François Bénigne Julhien
- Brigade – (ex général Louis André Bon)
- 9e demi-brigade (3 bataillons) – Général Édouard François Simon ou Henri Simon
- 85e demi-brigade (3 bataillons) – Général Jean-Louis Davroux
- Brigade de cavalerie
- 18e régiment de dragons (4 escadrons) – Général Joseph Thomas Ledée
4e Division
La 4e Division, l’avant-garde, est commandée par le Général Louis Charles Antoine Desaix
La 4e division forme l’aile droite du dispositif Français vers le village de Guizeh.
- Chef d’état-major : Général François-Xavier Donzelot
- 1re Brigade – Général Augustin Daniel Belliard
- 21e demi-brigade légère (3 bataillons) – chef de brigade Antoine Joseph Robin
- 2e Brigade – Général Louis Friant
- 61e demi-brigade (3 bataillons) – chef de brigade Conroux
- 88e demi-brigade (3 bataillons) – chef de brigade Pierre Louis François Silly
- Brigade de cavalerie – Général Louis Nicolas Davout (il remplace le général François Mireur, porté disparu)
- 22e régiment de chasseurs à cheval (3 escadrons)
- 20e régiment de dragons (3 escadrons)
5e Division
5e Division est commandée par le général Honoré Vial en remplacement du général Jacques de Menou de Boussay
La 5e division forme un carré au centre du dispositif Français.
- Chef d’état-major : Général François Rambeaud
- 1re Brigade – Général Antoine Joseph Veaux
- 22e demi-brigade légère – Général François Chavardès1
- 2e Brigade –
- 13e demi-brigade – chef de brigade François-Joseph Augustin Delegorgue
Artillerie
L’artillerie est composée de :
- 42 bouches à feu, à pied et à cheval
- 6 forges
- 6 affûts de rechange
- 50 caissons attelés par 500 chevaux ou mulets
Autres troupes
À ces troupes s’ajoutent :
- Les guides à cheval
- Les guides à pied
- 1 bataillon d’artillerie à pied
- 1 bataillon de sapeurs
- 1 bataillon de mineurs-ouvriers
- Des éléments de la Légion nautique
- Des éléments de la Légion Grecque
- 1 réserve de 2 600 hommes sous les ordres du Général Joachim Murat
- 2 brigades de cavalerie à pied de chacune 1 500 hommes sous les ordres des généraux de brigade Joseph de Zajaczek et Antoine François Andréossy
- 15 bateaux montés par 600 marins sous les ordres du contre-amiral Jean-Baptiste Perrée.
Forces égyptiennes
Commandement Général
Général en chef : Mourad Bey commandant environ 50 000 hommes
Droite
À droite du dispositif égyptien, en avant du village d’Embabeh sur la rive gauche du Nil vis-à-vis de Boulaq
- 20 000 janissaires, arabes et milices du Caire
- 40 canons
Centre
Au centre du dispositif égyptien
- 6 000 mamelouks
- 15 000 Fantassins de l’infanterie irrégulière
Gauche
À gauche du dispositif égyptien, s’appuyant sur les Pyramides
- 10 000 Fantassin (Infanterie)
Autres troupes
À ces troupes s’ajoutent :
- 60 bateaux
La bataille
Bonaparte, en examinant l’ennemi remarque que les pièces qui garantissent le camp d’Embabeh n’étaient pas montées sur des affûts de campagne. Les fantassins turcs n’oseront pas s’en éloigner.
Il ordonne à Desaix de prolonger sa droite pour se mettre hors de portée de l’artillerie, et d’attaquer ensuite les mamelouks, tandis que Bon, de son côté, attaquera de front les retranchements d’Embabeh. Rapidement, Mourad Bey perd la majorité de ses soldats. Une partie tente de rejoindre la base arrière mais est prise en tenaille par les différents carrés français (Reynier, Dugua et Bonaparte). Seuls un peu moins de 3 000 mamelouks parviennent à échapper aux Français et arrivent à leur camp d’Embabech. À cet instant, toute la partie gauche de l’armée française se rue sur Embabech.
Mourad s’aperçoit du mouvement des Français et en devine l’intention. Il donne alors l’ordre à sa cavalerie de charger les colonnes françaises pendant leur marche. Le choc est si rapide et brutal sur les colonnes françaises, qui se forment en carrés, que ceux-ci en sont un moment ébranlés. Les charges des mamelouks se multiplient en vain face au déluge de feu qui s’abat sur les cavaliers.
La discipline des carrés français semble l’emporter sur leurs efforts désordonnés.
De nombreux mamelouks trouvent la mort devant ceux-ci, où viennent se briser tous leurs efforts. Bonaparte saisit alors ce moment décisif pour faire attaquer Embabeh.
Les généraux Bon et Menou enlèvent à la baïonnette le village et ses retranchements, tuant de nombreux mamelouks qui s’y sont retranchés.
Les Français prennent 50 pièces d’artillerie, 400 chameaux, des richesses de toutes sortes et des vivres. Bonaparte n’aura perdu qu’une trentaine d’hommes alors que 20 000 mamelouks ne sortiront pas vivants des combats.
La division turque et les fellahs sont alors resserrés entre les carrés français et le fleuve. Ils sont entièrement dispersés ou détruits. Mourad Bey, séparé de ses troupes, se retire vers Gizeh avec 2 500 cavaliers, seul reste de son armée, la majeure partie des troupes turques et des fellahs se sont sauvés à la nage en traversant le Nil.
La division de Desaix continue la poursuite au-delà des pyramides.
Conséquences
Cette bataille ouvre la route du Caire à Bonaparte qui y entre le 24 juillet. Immédiatement le jeune général lance des travaux dans la ville et s’emploie à faire de cette victoire le point de départ de recherches archéologiques, scientifiques qu’il souhaitait. Il crée alors l’Institut français du Caire.
Mais cette victoire est bien vite oubliée. Les Anglais anéantissent la flotte française dans la rade d’Aboukir. Toute retraite devient impossible. La seule solution pour Bonaparte est de continuer sur sa lancée. Il pousse ses troupes vers la Palestine dans les 6 premiers mois de 1799. Mais l’épopée devient sanglante et désastreuse. Bonaparte est obligé de rentrer discrètement en France afin de préparer son avenir politique et éviter une déroute égyptienne qui porterait son nom. Il confie alors le commandement de l’armée française d’Égypte au général Jean-Baptiste Kléber.
La défaite des mamelouks eut un impact conséquent sur la formation de l’Égypte moderne, le peuple égyptien réalisant enfin que ces mamelouks, militaires étrangers qui l’opprimaient depuis des siècles, n’étaient pas invincibles. Les mamelouks ne retrouvèrent jamais leur place politique d’avant la campagne d’Égypte, même après l’échec final de l’armée française devant la coalition ottomano-britannique appuyés par les guérillas égyptiennes.
Dans la culture populaire
Littérature
La bataille des Pyramides sert de point de départ à Une passion dans le désert, nouvelle d’Honoré de Balzac dont la suite se déroule pendant l’expédition de Haute-Égypte. « Épisode d’une épopée qu’on pourrait intituler Les Français en Égypte […] Lors de l’expédition entreprise par le général Desaix en Haute-Égypte, un soldat étant tombé aux mains de Maugrabins fut emmené par ces Arabes au-delà des cataractes du Nil. En ce moment, Bonaparte parcourait l’Égypte ».
Jeux de simulations historiques
- Les Pyramides 1798, de Frédéric Bey et Marc Brandsma (série Jours de Gloire, Vae Victis no 23, 1998).
- Scénario La bataille des Pyramides [archive], sur le jeu Morne Plaine.
Jeux vidéo
- Bataille des Pyramides sur le jeu Napoleon: Total War, de Sega (2010).
Lieux nommés en son honneur
- Place des Pyramides, à Paris
Référence
- Nezar Alsayyad, Cairo: Histories of a City, Cambridge: Belknap Press of Harvard University Press, 2011, pp. 176, (ISBN 978-0-67404-786-0).
- Alsayyad, 2011, p. 176.
- NAKOULA EL-TURK. Histoire de l’expédition des français en Égypte par Nakoula El-Turk. Publiée et traduite par M. Desgrandes Aîné.
- Jason Thompson, A History of Egypt: From Earliest Times to the Present, El Cairo; New York: The American University in Cairo Press, 2008, pp. 220, (ISBN 978-9-77416-091-2).
- François Rouillon-Petit, Campagnes des Français, t. II, Éd. Bance Ainé, 1835, p. 34.
- L.A. Thiers, Histoire de la Révolution française, t. 10, 1834.
- Une passion dans le désert, Bibliothèque de la Pléiade, 1978, t. III, p. 1 219, (ISBN 207010866X).
Sources
- A. Hugo, France militaire. Histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1833, t. 2, Delloye, Paris, 1835.
- L.A. Thiers, Histoire de la Révolution française, t. 10, 1834.
Bibliographie
- Jean Joseph Ader, Histoire de l’expédition d’Égypte et de Syrie, A. Dupont et Cie, 1826.
- Clément La Jonquière, L’expédition d’Égypte, 1798-1801, Volume 2, H. Charles-Lavauzelle, 1907.
- Jean-Charles Langlois, Explication du panorama, et relation de la Bataille des pyramides : extraite en partie des dictées de l’empereur à Sainte-Hélène, et des pièces officielles, F. Didot, 1853.
- Roger Peyre, L’expédition d’Égypte, Firmin-Didot, 1890.
- Baron Jean Thiry, Bonaparte en Égypte : décembre 1797-24 août 1799, Berger-Levrault, 1973.